Gestion et valorisation des MNU en outre-mer : l’exemple de Mayotte

La gestion des Médicaments Non Utilisés (MNU) ne s’arrête pas à l’hexagone. Nos territoires ultramarins bénéficient, eux aussi, du circuit de collecte et de valorisation des MNU, d’autant que Cyclamed, s’attache à prendre en compte les particularités de chaque territoire. Aujourd’hui, Laurent Wilmouth, directeur général de Cyclamed, détaille le dispositif du tri des MNU à Mayotte, met en lumière le rôle central des pharmaciens et analyse les comportements de consommation et de gestion des médicaments sur le 101e département français.

Un déploiement stratégique à Mayotte

Depuis 2015, Cyclamed a étendu son dispositif de collecte des MNU à Mayotte, poursuivant ainsi sa mission de couverture progressive des territoires français d’outre-mer, entamée dans les années 2000. Laurent Wilmouth souligne l’importance de cette initiative : « La mise en place de notre collecte à Mayotte est cruciale, car nous devons être présents sur tous les territoires français. » Mayotte est ainsi l’un des derniers territoires d’outre-mer couverts par Cyclamed, marquant une étape significative dans cette mission.

Les spécificités du territoire mahorais

Du fait de sa proximité avec Madagascar et La Réunion, Mayotte est souvent comparée à ces deux îles, bien que chaque territoire d’outre-mer ait ses propres spécificités.

  • Une population jeune et dense : Mayotte se distingue par une population beaucoup plus jeune et une densité très élevée, notamment dues à une forte natalité et à une immigration en provenance des Comores. De plus, le département doit faire face à des difficultés sociales importantes. Selon un rapport de l’INSEE publié en 2018, 77 % de la population vit sous le seuil de pauvreté national, et seulement 34 % des 15-64 ans ont un emploi[1].
  • Un réseau officinal faible : au 1er janvier 2024, la population de Mayotte est estimée à 321 000 personnes[2]. Pourtant, au 1er avril 2022, Mayotte ne comptait pas plus de 25 pharmacies réparties sur toute l’île[3]. La consommation de médicaments est également nettement inférieure à celle de l’hexagone. Les ventes par habitant sont faibles, car les Mahorais se soignent peu, faute d’accès à une mutuelle et au remboursement des médicaments.
  • Défis liés à l’accès à l’eau : un autre défi majeur à Mayotte est l’accès à l’eau. « Il y a de réels problèmes de coupures d’eau sur le territoire. Le tri des MNU n’est donc pas toujours une priorité pour les habitants, c’est tout à fait compréhensible, » concède Laurent Wilmouth. Cependant, il convient de rappeler l’importance de ce geste pour la santé publique et la protection de l’environnement. « Une grande partie des égouts est déversée directement dans la mangrove à Mayotte à cause de l’épuration insuffisante des eaux. Les médicaments jetés dans l’évier ou en pleine nature risquent donc d’exacerber le manque d’eau potable sur le territoire. » rappelle Laurent Wilmouth.

Le pharmacien : pierre angulaire du système de collecte

Le circuit de collecte des MNU à Mayotte fonctionne très bien, grâce au rôle crucial des pharmaciens. Ceux-ci sont au cœur du dispositif Cyclamed, en tant que maillon essentiel dans la collecte des MNU, en partenariat avec les grossistes répartiteurs locaux. Comme tous les pharmaciens, les pharmaciens Mahorais sont en charge des préparations magistrales et du conseil auprès de leur patientèle. En raison des particularités locales, leur rôle va au-delà, avec un soutien constant de la patientèle, ainsi qu’une véritable éducation sur le bon usage du médicament et l’importance du tri,  de la gestion efficace des MNU.

Sensibilisation et communication pour répondre aux enjeux des MNU

Depuis 2001, Cyclamed est présent dans les territoires ultra-marins avec le même principe de fonctionnement qu’en métropole. Pour toucher un public plus large et sensibiliser efficacement, Cyclamed a adapté ses actions de communication à la réalité linguistique et culturelle de Mayotte. Ainsi, des affiches de sensibilisation ont été traduites en shimaoré, la langue principalement parlée sur l’île. « Nos communications doivent être en français, en shimaoré écriture latine et en shimaoré écriture arabe, » explique Laurent Wilmouth, soulignant l’importance de surmonter les barrières linguistiques pour atteindre une population majoritairement « orale ».

Affiche Cyclamed en français et shimaoré (arabe)
Affiche Cyclamed en français et shimaoré

Cyclamed est également présent sur les chaînes locales de télévision comme Mayotte 1ère, dans les journaux et bientôt à la radio sur les stations leaders et avec des messages spécifiques en langues locales de chaque territoire..  Une campagne d’affichage sur les panneaux de 12 m2 en bord de route est prévue au dernier quadrimestre pour maximiser l’impact auprès des habitants.

De plus, des réunions in situ, ainsi que des webinaires distanciels avec les professionnels de santé sont organisés pour renforcer la sensibilisation. « Nous communiquons aussi auprès des professionnels : pharmaciens, ARS, ADEME[4], et autres représentants ; de manière à les sensibiliser également. Malgré les blocages routiers et les manifestations sur l’île depuis quelques années, au milieu de cette tempête, nous avons réussi à organiser une réunion avec les pharmaciens ainsi qu’ avec les infirmiers. Ces derniers sont des professionnels qui se déplacent même dans les zones difficiles d’accès. Ils étaient donc tous très enthousiastes à l’idée de relayer nos communications auprès des populations mahoraises. Nous sommes heureux de les avoir à nos côtés, » ajoute Laurent Wilmouth.

De plus, sur chaque territoire d’outre-mer, Cyclamed dispose de facilitateurs locaux (ajouter lien interview facilitateur en outremer), représentant l’organisme et assurant un relais d’information efficace et continu. À Mayotte, 2 facilitateurs sont présents, bien organisés et au plus proche des habitants et des acteurs de l’écosystème.

Perspectives d’avenir à Mayotte

Les enjeux du tri  de l’ensemble des déchets, notamment  ceux qui sont médicamenteux,  sont cruciaux pour l’avenir de l’île de Mayotte en matière de tourisme, d’écologie et de santé publique.

« C’est pour cette raison que nous avons prévu de renforcer notre impact à Mayotte en poursuivant la sensibilisation de la population et en améliorant les infrastructures de collecte des MNU. Nous nous appuyons sur un plan de prévention et de gestion des déchets (PPGD) spécifique à cette île, validé début 2024 par nos autorités de tutelle, pour structurer nos actions sur les 3 à 5 prochaines années. Notre objectif est de faire du tri des MNU un réflexe pour chaque habitant français, qu’il soit à Paris, Fort-de-France ou Mamoudzou, » conclut Laurent Wilmouth.

Pour en savoir plus sur nos actions en Martinique, Guadeloupe et Réunion, rendez-vous ici : https://www.cyclamed.org/martinique-guadeloupe-un-exemple-a-suivre-9345/

[1] https://www.insee.fr/fr/statistiques/4622454
[2] https://www.insee.fr/fr/statistiques/4632225#:~:text=Au%201er%20janvier
%202024,estim%C3%A9e%20%C3%A0%20321%20000%20personnes.

[3] https://www.mayotte.ars.sante.fr/media/93760/download?inline
[4] https://www.ademe.fr/

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